Ci-dessous extraits du livre
Extrait n°1
Extrait n°2
Sous forme de conte uchronique pour adultes ou d'épopée, illustré par AlxiA, ce roman de théo-fiction s'attaque sans ménagement au concept de religion, s'inspirant de certain monothéisme. Le mot "dieu" n'y est pourtant pas mentionné une seule fois. Dans un monde qui pourrait être le nôtre (entre la dystopie et l'uchronie), une religion artificielle devient, de l'antiquité à l'ère moderne, le courant spirituel dominant, façonnant la société humaine avec ses préceptes, ses lois, ses jeux de pouvoir, ses guides charismatiques, ses opposants, son inquisition et ses guerres. Mais la foi, quelle que soit la validité de sa nature d'origine, engendre autant le bien que le mal, et gouverne pour le meilleur et pour le pire le destin des hommes, consciemment ou inconsciemment, à travers des siècles de générations. Le prophète a annoncé qu'à la fin du septième âge, la Comète de Mand repassera et marquera la venue du rédempteur, le Juste d'entre les Justes. À l'ère moderne, Dhorès, un journaliste désabusé, va enfin découvrir celui-ci, et aura à choisir entre le chaos immédiat et une longue agonie du monde perverti. Épopée d'une société humaine, sur dix-sept siècles, en plusieurs époques clefs, à travers l'histoire de sa religion, de ses fondements jusqu'au chaos final, La Juste Parole nous délivre un message d'humanité, teinté d'écologie, de socio-philosophie, de politique, mais aussi d'amour.
Le Prince était dans un bon jour, il était impatient de revoir la mystérieuse étrangère, de l’admirer danser. Peut-être allait-elle, comme à la foire aux esclaves, le choisir de son regard. Les musiciens commencèrent dès qu’ils furent prêts. Un rythme lent mais enjoué, d’attente contenue, en sept temps, sur lequel s’installait peu à peu un mode très ouvert. Un thème de milieu de journée, particulièrement adapté à l’état d’esprit du Prince, joué par un des meilleurs flûtistes de l’empire sur une flûte en or. L’étrangère ne devait pas être loin derrière. Elle déciderait elle seule du moment où elle ferait son entrée, lorsque la musique l’inspirerait. Le Prince souhaitait que cette attente ne durât pas. Il arrivait que la danseuse reste en coulisse et ne sorte jamais, si la musique ne lui convenait pas. Dans ce cas les musiciens étaient châtiés. À sa grande surprise, elle fit son entrée dès la première pièce de musique, après seulement cinq minutes d’introduction. Décidément, elle n’avait pas froid aux yeux ! À moins qu’elle ignorât l’usage. Il vit d’abord sa silhouette s’avancer lentement entre deux tentures. Entièrement cachée sous un voile qui la recouvrait de la tête aux pieds. Elle joue le mystère ! se dit-il. Le vieux flûtiste s’accorda sur cette entrée subreptice. Volutes de mains sous le voile, de plus en plus haut. Volutes de notes, en spirales sur la gamme ascendante. Mouvements circulaires des hanches, de plus en plus larges. Microtons balançant avant et après les notes. Le voile se lève et tombe, comme à regret. Montée à l’octave aigu et retour pentatonique au grave. À la chute du voile, le Prince put enfin voir les yeux, seulement les yeux ocre-orange, car un autre voile cachait le visage en dessous. Un maquillage qu’il n’avait jamais vu entourait les yeux, des arabesques noires serpentant jusqu’aux tempes. Le flûtiste traduisait chacun des mouvements de la danseuse, et celle-ci, inspirée par la musique, réagissait en harmonie avec elle, de sorte qu’une émotion homogène s’empara de l’atmosphère de la pièce. Un homme vint déposer des bougies à l’avant de la piste, devant les hommes assis, car le jour déclinait. La danseuse s’approcha des frêles lueurs, fléchissant ses jambes, écartant les bras, puis elle avança la tête, les yeux grands ouverts pour mieux regarder l’assistance. Les jeux d’ombres, les mouvements de ses seins sous les voiles, et ce regard illuminé par les chandelles, tout cela acheva d’envoûter le cœur du Prince et de ses invités. La percussion s’intensifia, et le voile s’écarta du visage, libérant la bouche entrouverte, souriante, coquine. Mais en un tournoiement harmonieux et léger, la danseuse regagna le fond de la piste dans l’ombre, et commença à raconter une histoire. Un conte sans mots, que peut être chacun pouvait interpréter à sa manière ; pour le Prince il était vaguement question de naissance, de printemps, d’astres, de lumière, d’adoration, de détresse, d’amour, de mort... Les cheveux furent libérés, puis le dos. Le temps n’existait plus. Le Prince, définitivement séduit, sentait une émotion tangible à chaque fois que le regard de la danseuse croisait le sien. Elle l’avait élu. Il en était désarmé, fier et honoré à la fois, même s’il s’y attendait. Depuis combien de temps, dansait-elle à la lumière de ces chandelles, il n’en avait plus aucune idée. Cela pouvait faire des heures. Il faisait nuit dehors lorsqu’elle enleva enfin le dernier bout d’étoffe, un turban qu’elle déroula autour de ses seins fermes et fièrement pointés vers le ciel, le turban couvrait encore le ventre, passait entre les jambes et remontait entre les fesses pour se nouer autour de la taille. C’est par là qu’elle acheva de le dégager, qu’elle le fit glisser de toute sa longueur sur son sexe glabre, puis après quelques arabesques dans l’air, elle le fit tournoyer et se poser devant le Prince. Elle était complètement nue, le rythme progressif de ses pas avait considérablement accéléré et approchait un paroxysme soutenu par le percussionniste. Tout le monde était fasciné par les décharges d’énergie et d’émotions qu’irradiaient cet être vivant habité par le divin, en proie à sa transe communicative. Elle tournait, tournait sur elle-même, criait même à présent, une note que la flûte s’empressa d’harmoniser, puis elle s’effondra enfin à genoux devant le Prince, tête baissée et mains jointes devant. C’était fini. Silence. Quelque chose de si intense venait de se passer qu’un temps d’expiration et de réajustement avec la réalité fut nécessaire. Puis une ovation. Des cris, des larmes de joie. Les hommes se levèrent tous en l’acclamant.
Extrait n°3
Darimu fit une dernière pause à l’ombre de la falaise. Les pluies d’hiver n’étaient pas venues, et la nouvelle année promettait d’être très aride. Les récoltes seraient insuffisantes à nourrir la Wazulie et la sécheresse allait encore tuer les plus faibles. Mais son père lui avait dit qu’avant la venue du Maître, cela arrivait chaque année. Il ne fallait donc pas se plaindre et continuer à construire. Tous ensemble, toutes les tribus. Plus il avançait, plus la cruche semblait prendre du poids. Il arriva en vue de l’immense étoile à cinq branches, dressée sur son haut piédestal, sculptée à même la falaise, qui lui annonçait qu’il était rendu. Son père avait participé à la taille du monument ; il n’était pas encore né alors. Il passa dessous et fit le salut rituel — le bout des doigts sur son front — et monta les soixante marches menant à la grotte sacrée. Lorsqu’il parvint au parvis, il sentit le parfum d’encens qui provenait de la grande salle. Il contourna le foyer central et se présenta à l’entrée. La pièce naturelle était immense, comme l’intérieur d’un temple dont le plafond serait hérissé de stalactites. À gauche, un large fossé, ancien lit d’une rivière souterraine, courait pour se perdre derrière une avancée rocheuse. Le fond du lit asséché depuis des générations avait servi au Maître à graver des passages de la Juste Parole, tels qu’il les avait entendus jadis de la bouche même du Seigneur. Le Maître était assis sur son tapis, les jambes croisées, en tunique blanche à col rond, tête baissée. Sa barbe sombre touchait presque ses talons, et la partie dégarnie de son crâne brillait à la lumière des deux flambeaux. Position de méditation. « Entre, Darimu, dit doucement le Maître, et apporte moi l’eau. - Je vous ai dérangé pendant votre méditation, Maître... - Mais non, j’avais fini. Assieds-toi, mon fils, ici à côté de moi. - Merci, Maître. Darimu posa la cruche devant lui, le salua du geste rituel et s’assit à sa droite. Puis il attendit. Le silence régnait. - Cher Darimu... Des choses vont changer, tu le sais. Neyree travaille dur pour rassembler tout ce qui peut être dit sur le Grand Tout, il consigne la parole du Seigneur et la mienne sur des rouleaux grâce auxquels nous répandrons la Juste Parole au delà de l’horizon. - Mais comment ? - Quatre de mes disciples doivent partir bientôt pour prêcher la Juste Parole, chacun dans une direction, comme je l’ai fait moi-même voilà plus de vingt-trois ans. Tu es l’un des quatre que j’ai choisis, si tu crois être prêt à te consacrer à cette mission pour le reste de ta vie, peut-être sans jamais revenir ici. - Qui sont les trois autres ? - Tu le sauras demain, viens me voir à l’aube. Les autres seront là aussi ».
 Il s’arrêta devant le perron, hésitant à entrer. Retrouver sa maison à moitié vide, allumer la lampe à huile, et être là dans le silence, sans aucun livre à consulter, sans travail à accomplir, sans personne pour lui tenir compagnie, sans même le vieux chat noir, son compagnon aujourd’hui disparu. L’avaient-ils mis à mort ? Ou s’était-il enfui pour ne jamais revenir ? Lui aussi avait eu ses rites, son quotidien ; et jusqu’à ce jour, il avait naïvement cru qu’il pourrait reprendre sa vie comme avant, récupérer ses affaires, sa bibliothèque, ses archives, ses souvenirs, puis continuer. On lui avait fait en quelque sorte ce qu’il avait failli infliger aux Justes avec ses révélations. C’en était trop. À soixante quinze ans, sa vie se terminait avant même sa mort. S’il entrait dans sa maison, qu’allait-il faire de sa soirée ? Mais s’il n’y entrait pas, où irait-il ? Il monta les marches. La porte était entrouverte. Non ! Il entra. « Tabyll ? C’est toi ? Tabyll ? ... Le Chat ? ». Un formidable coup à la nuque lui fut asséné par derrière. Il soupira plus qu’il ne cria, son champ de vision fut aussitôt voilé par des scintillements flous, et le bruit du choc continuait à résonner dans sa tête lorsqu’il se retrouva couché sur le sol, sans se souvenir de la chute. Il sentait la présence de plusieurs hommes au dessus de lui. Ils parlaient, mais les mots avaient très peu de consistance. Ils déplaçaient quelque chose de lourd, un meuble sans doute. On le souleva alors, on le hissa sur la table. Dans la pénombre, il discerna des silhouettes qui se penchaient sur lui et lui parlaient, mais il ne comprenait pas tout. « blasphème ... jamais ... scientiste ... Grand Tout ... vieux ... fini ... » Deux hommes le redressèrent sur la table, il sentit qu’on lui enfilait une corde autour de la tête, qui lui enserra aussitôt le cou, et il se sentit soudain étranglé et hissé vers le plafond. Ils étaient en train de le pendre ! Malgré la douleur, la peine à respirer et le noir scintillant qui voilait sa vue, il s’offrit tout de même, d’une voix grinçante, le dernier privilège de remercier ses exécuteurs.
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AlxIA , illustratrice & photographe, a réalisé une quarantaine de peintures, aquarelles et dessins originaux, illustrant magistralement ce roman.
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